Gaétan de Lavilleon: Connaître les limites du cerveau pour mieux gérer

Pour le deuxième chapitre de notre programmation Wellworking consacrée à la Charge Mentale, après l’atelier « Aller à l’essentiel », Gaétan de Lavilleon, docteur en neurosciences et fondateur de Cog’X nous a donnée rendez-vous à kwerk Haussmann sur le thème « Connaître les limites du cerveau pour mieux gérer ».

Au cours de cet atelier, le spécialiste de la charge cognitive et de la déconnexion nous a apporté un éclairage scientifique et opérationnel sur les mécanismes de régulation et de dérégulation de la charge mentale au travail.

Il nous a transmis de riches enseignements pour identifier nos propres marges de manœuvre pour réorganiser nos priorités sans céder à la pression. 

Si vous avez manqué cet événement, Gaétan de Lavilleon a répondu à quelques questions éclairantes.

 

Quelles sont les incidences de la surcharge mentale au travail ?

Les incidences vont se faire à deux niveaux.

La première incidence qui est d'ordre biologique, c'est le cortex frontal qui va avoir plus de mal à fonctionner. Le second niveau c’est que ce cortex frontal régule un grand nombre de fonctions cognitives parmi lesquelles la capacité à réguler ses émotions.

La conséquence c'est le moment où on va avoir un énervement qui va arriver soudainement alors qu'il n'aurait pas dû dans une situation normale, parce que notre cerveau était déjà en saturation et n’arrive plus à abaisser les émotions.

Une autre conséquence possible est la diminution des capacités d'inhibition qui est la capacité, comme son nom l'indique, à inhiber des pensées ou des comportements automatiques. C'est cette faculté d'inhibition qui nous permet de rester concentré sur une tâche en cours et d'inhiber l'envie très forte d'aller chercher de la nouveauté comme ouvrir ses mails ou sortir de la réunion pour aller voir autre chose. Derrière en cascade, la capacité de concentration va être impactée et à plus court terme on va avoir une diminution des capacités de collaboration parce qu'en fait collaborer c'est traiter les informations qui viennent de la personne en face de moi et si j'ai la tête déjà chargée d'informations je ne vais pas pouvoir le faire. En réunion ça va être un sourire, un clin d'œil, une peine sur le visage que je ne vais pas identifier et en fonction desquels je ne vais pas pouvoir adapter mon comportement.

À plus moyen-long terme, les capacités de mémorisation et de créativité vont être diminuées aussi car pour pouvoir être créatif, il faut être capable de mémoriser des informations et pour les enregistrer à long terme il faut que j’aie pu les enregistrer à court terme. Si je suis en saturation du matin jusqu'au soir, je ne le pourrai pas.

 

Aujourd’hui on est dans une société qui prône la flexibilité ou en tout cas on constate un essor de la flexibilité. Quels sont les dangers de cette ultra flexibilité ?

C’est une question intéressante. Je pense que le danger principal c'est que derrière un apparent gain immédiat à court terme, on observe une disparition totale des séparations entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle. On s’imagine qu’on est gagnant et qu’on arrive mieux à gérer sa vie de famille, à répondre aux attentes de son boss, parce que la journée ne tenant pas entre 9h et 19h on va se remettre à travailler à 22h, sous couvert d’être allé faire du sport ou chercher ses enfants à l’école entre les deux.

Or notre cerveau et notre corps ont besoin de revenir à un état de base. Ils ont besoin de récupérer du stress physiologique généré par le travail.

Même si la flexibilité peut convenir à une population, il est dangereux selon moi que l'intégralité de la population se plonge dedans comme si c’était une nouvelle ère et qu'on avait tous à y gagner énormément alors qu’on a finalement très peu de recul sur le phénomène.

Dès qu'on travaille, l'état de stress fait que le rythme cardiaque et le taux de sucre augmentent dans le sang. A court terme ça permet de mobiliser des ressources pour être performant dans une réunion ou réussir une conférence par exemple. En revanche si cet état est maintenu dans le temps, ça devient dangereux et nocif et vient augmenter les risques d’AVC, les ulcères…

Pour éviter cela, il faut une récupération régulière en soirée et le week-end, voire en journée à travers des pauses et de la méditation, et pas uniquement des tunnels de trois mois de travail pour après aller ensuite se reposer sur une plage pendant deux semaines.

 

Comment ralentir dans son propre quotidien où comment gérer cette surcharge mentale ? Que peut-on mettre en place pour réguler nos modes de travail de façon intelligente ?

Je pense que le la première chose à faire tout de suite c'est d'aller sur son téléphone et de couper les notifications des outils quine sont pas nécessaires, voire supprimer les applications qui ne sont pas nécessaires.

Ensuite dans son travail, il est bénéfique de dissocier les temps de concentration et les temps de collaboration à distance. Très concrètement cela veut dire que quand j'ai quelque chose à produire, je prévois une plage de 45 minutes à 1 heure dans mon agenda mentionné comme étant une plage de production, et dès que je rentre dans cette plage je coupe mes outils de communication. Éventuellement je garde ma ligne téléphonique pour les urgences, mais à priori les emails ou Teams ne devraient pas en être. Idéalement j'en informe aussi mon équipe. Cela permet de protéger son attention.

Ensuite pour réduire la fatigue mentale et mieux récupérer en journée, on va faire des poses efficaces. Une pause efficace c’est une pause durant laquelle je change radicalement de nature d’activité. Si j'étais en réunion, j'évite d'aller parler boulot à la machine à café et si j'étais devant mon ordinateur j'évite d'aller sur les réseaux sociaux ou consulter un journal en ligne.

Dans le cas du travail à distance et tout particulièrement quand on est en télétravail, il est nécessaire de remettre de réelles barrières entre le travail et le privé, de créer des sas d'entrée et de sortie. Car si on ne fait pas ça notre cerveau va mélanger les deux et considérer que le salon est un peu comme le bureau et donc les pensées associées à l'un vont se mélanger avec celles associées à l'autre. Le soir, j’aurais plus de chances de penser au travail et donc de diminuer la qualité de mon sommeil.

 

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